L’huile de palme importée par Total n’est pas 100 % durable, selon Greenpeace
Une cinquantaine de militants de l’ONG ont bloqué mardi l’entrée de la bioraffinerie de La Mède. Selon l’organisation, l’industriel ne peut pas contrôler toute sa chaîne d’approvisionnement.
Par Martine Valo Publié hier à 16h06, mis à jour à 08h38
L’opération contre la « déforestation made in France » a été menée à la manière de Greenpeace : promptement. A 6 heures du matin, mardi 29 octobre, une cinquantaine de militants vêtus de tee-shirt à l’effigie d’un orang-outan sont arrivés devant la bioraffinerie Total de La Mède (Bouches-du-Rhône), y ont déployé leur banderole et brandi des panneaux « Agrocarburants : climat en danger ». Ils ont surtout bloqué l’entrée en installant deux conteneurs auxquels quatre personnes se sont enchaînées. Huit heures plus tard, ils étaient évacués. Seize personnes ont été interpellées.
Si La Mède reste en ligne de mire de Greenpeace, c’est que les pouvoirs publics ont donné leur feu vert à ce site industriel ouvert en juillet, pour traiter jusqu’à 650 000 tonnes par an, dont 450 000 tonnes d’huiles végétales brutes, à condition qu’elles soient certifiées « durables ». L’organisation conteste d’ailleurs avec d’autres ONG l’autorisation préfectorale devant le tribunal administratif de Marseille.
Sous la pression d’une demande mondiale à la hausse à la fois pour le secteur de l’alimentation et pour celui des transports, malgré des années d’alerte sur la destruction massive des forêts, celle-ci se poursuit, en particulier en Malaisie et en Indonésie. Ces deux pays auront fourni à eux seuls 63 millions de tonnes d’huile de palme en 2019 (61,5 millions de tonnes en 2018), soit 87 % des récoltes mondiales.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Feux de forêt en Indonésie : le président Joko Widodo reconnaît des « négligences »
Dans un rapport intitulé « Total carbure à la déforestation » rendu public mardi 29 octobre, Greenpeace accuse la multinationale de contribuer à l’expansion dévastatrice des plantations et de ne pas être en mesure de certifier l’origine de l’oléagineux qu’elle importe pour La Mède. Face à l’émotion qu’avait suscitée l’ouverture de la bioraffinerie, Total s’est engagé à ne pas faire venir plus de 300 000 tonnes d’huile de palme, ce qui fait déjà bondir les importations françaises. Mais selon Greenpeace, son approvisionnement « est très loin d’être garanti 100 % durable » et sa « provenance est parfois illégale, voire la plupart du temps inconnue ».
Vu d’Europe, freiner la déforestation passe par des labels certifiant que les plantations n’ont pas été installées sur des parcelles de forêt primaire fraîchement défrichées. C’est même désormais une exigence de l’UE. Mais, en Indonésie, entre juillet et septembre, les enquêteurs de Greenpeace ont vu des fruits de palmiers plantés illégalement dans le parc national de Tesso Nilo, sur l’île de Sumatra, être chargés sur des motos. Les grappes sont ensuite regroupées dans des camions sans plaque d’immatriculation, avant de rejoindre des moulins travaillant pour des fournisseurs de Total. Là, elles peuvent être mêlées à d’autres récoltes qui, elles, sont bien issues de plantations respectueuses des règles.