Diesel ou essence, lequel pollue le plus?
Les diesels sont intrinsèquement plus polluants, mais ils émettent moins de CO2 que les moteurs à essence. Heureusement, le durcissement des normes soigne en grande partie les moteurs à gazole. Selon que l’on veut privilégier la lutte contre les polluants locaux ou le réchauffement climatique, les uns sont plus efficaces que les autres. C’est la quadrature du cercle!
Le problème fondamental du Diesel, c’est en effet qu’il émet des oxydes d’azote (NOx), notamment les dangereux dioxydes d’azote (NO2) qui s’attaquent aux voies respiratoires.
PATRICK PLEUL / DPA / AFP
Diesel ou essence, lequel est le plus polluant? Deux ans après le scandale du « Dieselgate » Volkswagen, politiques, médias, experts autoproclamés crient haro sur les moteurs à gazole, accusés de tous les maux. Menacés d’interdiction à Paris à la fin de la décennie, accusés de dépasser les normes de façon plus ou moins illicite, mis en cause par la DGCCFR (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), frappés d’une hausse des taxes sur le litre de gazole de 2,6 centimes chaque année pendant quatre ans, les diesels voient leurs ventes dégringoler. Ils ne représentent d’ailleurs plus que 48% des ventes de PSA en Europe, contre 65% il y a quatre ans!
La question se pose: cette curée est-elle justifiée? « Le diesel est intrinsèquement plus polluant que l’essence, reconnaît Guillaume Devauchelle, directeur de la recherche-développement de Valeo. Le problème fondamental du Diesel, c’est en effet qu’il émet des oxydes d’azote (NOx), notamment les dangereux dioxydes d’azote (NO2) qui s’attaquent aux voies respiratoires. Il rejette aussi par sa constitution même des particules, également toxiques pour les poumons et reconnues cancérogènes par l’OMS (Organisation mondiale de la santé) depuis 2012. Alors, la cause est-elle entendue? Non, car cet horrible diesel se soigne depuis vingt-cinq ans, date d’application de la norme Euro 1 (on en est à Euro 6).
Cycles d’homologation artificiels
Effectivement, « les rejets de NOx autorisés sont passés de 1 gramme au kilomètre en 1992 à 0,08 gramme aujourd’hui « , assure Christian Chapelle, le motoriste en chef au sein de la Recherche-développement de PSA. Quant aux particules, elles ont « régressé de 0,14 gramme au kilomètre à 0,005 g », grâce au filtre à particules (FAP), obligatoire depuis 2011. Hélas, cela ne suffit pas. Car il s’agit de seuils définis par des normes théoriques. Or, les cycles d’homologation des véhicules étaient largement artificiels et ne rendaient pas compte jusqu’ici des conditions réelles d’utilisation. « Les constructeurs ont par conséquent privilégié la dépollution dans les marges étroites du cycle », souligne un expert indépendant. Et ces satanés diesel ont tendance à dépasser fortement les seuils autorisés en circulation réelle. Fâcheux.
Scandale, trucage? C’est plus compliqué que cela! Car la législation du Vieux continent sur les homologations est ambiguë. Les constructeurs, surtout Renault, ont joué sur ce flou juridique! Le législateur a prévu en effet une clause d’exemption dans le règlement communautaire 715/2007. Ce texte interdit bel et bien « l’utilisation de dispositifs d’invalidation, qui réduisent l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions ». Oui, mais voilà. Le même texte prévoit que « cette interdiction ne s’applique pas lorsque le besoin du dispositif se justifie en termes de protection du moteur ». En clair, un constructeur peut prendre des dispositions techniques pour éviter la casse du moteur. Il a donc le droit de « fausser » les contrôles s’il prouve que ceux-ci peuvent détériorer les mécaniques! C’est flagrant dans le cas de Renault. Le groupe au losange empêche quasiment la dépollution de fonctionner en-dessous de 17 degrés (sous le capot). Or, en Europe occidentale et en particulier en France, on est rarement à cette température, et ce, durant une partie de l’automne comme du printemps et bien sûr en hiver.
Autre problème: l’optimisation du réglage du moteur diesel pour le démarrage à froid. Là aussi, la plupart des constructeurs dont Renault se contentent du minimum syndical et font observer que le moteur n’est jamais démarré à chaud durant… le cycle normalisé des tests d’homologation. Une aberration car le diesel pollue énormément à froid. Mais Renault se conforme là aussi aux définitions des cycles d’homologation, très lacunaires.
Nouveau durcissement des normes
Alors, quadrature du cercle ? Pas forcément. Car un nouveau pas est franchi en ce mois de septembre, avec une deuxième phase des normes Euro 6, qui uniformisent les seuils de polluants sur les véhicules diesel et essence. En outre, les nouveaux cycles d’homologation, applicables pour les nouveaux types de voitures dès maintenant et étendus en septembre 2018 à tous les modèles, sont bien plus proches de la conduite réelle ! Ces fameux dépassements vont être beaucoup plus difficiles. Mais il faudra attendre, car la plupart des constructeurs se sont dépêchés d’homologuer, in extremis, leurs nouveaux modèles avant septembre 2017, pour échapper au nouveau cycle.
Ces contraintes supplémentaires obligeront en conséquence tous les constructeurs à adopter le système « SCR », qui réduit par réaction chimique les oxydes d’azote directement dans l’échappement. Un procédé qui dépollue mieux, sur une plage plus large. Faisant figure de pionnier, PSA l’a déjà généralisé sur sa gamme depuis plusieurs années. Ce système prévoit une injection d’« Ad Blue », un liquide comportant 75% d’urée qui transforme les oxydes d’azote en… azote et en eau inoffensifs. Moyennant un réservoir supplémentaire (17 litres chez PSA), à remplir régulièrement.
Recette miracle, ce « SCR » ? Pas si évident. Car, naturellement, le système accroît consommation de carburant et rejets de CO2. Il exige donc un traitement technique supplémentaire pour combattre ladite surconsommation. Résultat: les diesel vont devenir de plus en plus chers. Et ce n’est pas fini: les futures normes Euro 7 pour 2023-2024, seront encore plus draconiennes. Herbert Diess, patron de la marque Volkswagen, estime ainsi que le coût des diesel les réservera à des modèles de gamme moyenne supérieure et plus. Sur les petits modèles et même les compactes, il sera de plus en plus difficile de justifier leur surcoût.
Le diesel rejette moins de CO2
Avec ces traitements sophistiqués, « le diesel n’est pas plus polluant que l’essence », conclut Guillaume Devauchelle. Surprise: il le serait même moins. Car, pour compliquer le tout, le moteur à essence, qui traditionnellement ne rejetait pas de particules, en émet à présent. Pourquoi? Afin de consommer moins et rejeter moins de CO2, « les moteurs à essence ont copié les recettes du diesel », signale-t-on chez Delphi. La lutte contre les polluants et le CO2 apparaît sacrément contradictoire. « Les derniers moteurs essence à injection directe, qui se généralisent, émettent même en moyenne davantage de particules que les diesel », explicite un consultant. D’où l’obligation d’un filtre à particules pour les véhicules à essence dès ce mois de septembre 2017 (pour les nouveaux types), comme sur un vulgaire diesel.
Ceci dit, pourquoi s’obstiner encore à vanter le Diesel, qui a si mauvaise presse? La raison? « Un diesel consomme 20 à 25% de moins qu’un moteur à essence », souligne l’équipementier Delphi. Le gazole lui-même apparaît plus efficace, car sa densité énergétique est supérieure à celle du carburant sans-plomb. Résultat: une Peugeot 308 Diesel (120 chevaux) consomme à peine 4,9 litres aux cents, selon les mesures réalisées par PSA avec l’ONG Transport & Environment et validées par Bureau Veritas, contre… 6,6 l/100 km pour le véhicule équivalent à essence. Consommations et émissions de gaz à effet de serre étant corrélées, le diesel est « indispensable pour répondre aux futures normes européennes sur le CO2 », plaide Klaus Fröhlich, directeur de la recherche-développement de BMW.
La Commission européenne a fixé en effet un plafond contraignant de 95 grammes de CO2 au kilomètre par véhicule en 2021 (118 g/km en moyenne en 2016). C’est au nom même de ce combat contre le changement climatique que Nathalie Kosciusko-Morizet, alors secrétaire d’État à l’Ecologie, avait créé en 2008 un bonus-malus profitable au diesel. Le pourcentage élevé de ces moteurs permet notamment à la France d’afficher des émissions de CO2 de dix points de moins que la moyenne européenne…
Certes, l’ONG Transport & Environment accuse dans un rapport récent le diesel de ne pas émettre moins de CO2 que l’essence, si l’on prend l’ensemble des émissions, du puits à la roue. Et ce, malgré des consommations inférieures. L’étude prend en compte l’élaboration du carburant lui-même. Mais ses conclusions sont biaisées, car l’étude ne compare pas des modèles similaires de même puissance. Le rapport préfère porter sur la moyenne des voitures diesel et la moyenne des voitures à essence. Voilà qui ne manque pas de modifier les résultats: les moteurs diesel sont en effet plus répandus sur les modèles familiaux, en particulier les SUV. A contrario, de nombreuses citadines légères (Volkswagen up!, Renault Twingo…) ne sont disponibles qu’en essence. Voilà qui a tendance à déplacer le curseur en faveur du moteur essence, plus souvent associé à une caisse légère, ce qui a tendance à faire diminuer sa consommation…
En fait, Carlos Tavares, le patron de PSA, l’avoue en interne. Techniquement, le diesel moderne est guéri de tous ses maux. Mais la bataille politique est perdue! Au-delà des polémiques, la meilleure façon de faire baisser les rejets polluants est en fait la… mise à la casse des vieux modèles diesel mais aussi à essence, très polluants! C’est ce que propose le ministre de la Transition énergétique Nicolas Hulot, avec ses primes à la casse. Eradiquer les véhicules de plus de quinze ans, qui représentent le tiers du parc roulant en France, permettrait de faire baisser de 50% les émissions de particules, souligne le CCFA (Comité des constructeurs français d’automobiles). Le gouvernement français en est bien conscient. OU ADOPTEZ :
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Publiée par Moteur Eau sur Jeudi 6 décembre 2018