La méthanisation agricole à la française inquiète

L’UDSEA veut un moratoire sur la méthanisation

Dans un communiqué de presse, l’UDSEA-Confédération Paysanne déplore qu’avec « 180 000 personnes privées d’eau potable et plus d’une quarantaine de communes concernées, la pollution causée par le méthaniseur Kastellin sur l’Aulne et une usine de potabilisation de l’eau a eu des conséquences immédiates catastrophiques en termes de santé publique ».

Et d’estimer que, «outre cet impact immédiat et dramatique sur la population, la question peut et doit se poser des effets néfastes à moyen et long terme sur la faune et la flore d’une pollution massive de l’Aulne et de ses affluents ainsi que des problématiques agricoles : apiculteurs et leurs ruches, terres devenant impropres à des cultures saines, paysans qui sont dépendants de l’eau du réseau : éleveurs qui abreuvent leurs bêtes, maraîchers qui lavent ou arrosent leurs légumes … »

Le syndicat se dit « inquiet de voir les projets de méthanisation fleurir un peu partout ou s’agrandir pour passer de modèles agricoles à industriels. C’est ainsi qu’en région Bretagne, le plan d’avenir prévoit de passer de 2 126 GWh produits actuellement à 12 075 GWh à l’horizon 2050 ».

« Aussi, nous appelons à un moratoire des installations de méthaniseurs sur le département afin que tous les méthaniseurs existants soient consciencieusement audités et que les projets soient dorénavant mieux encadrés et que ni industriels ni les partenaires publics ne s’exonèrent de la responsabilité qui est la leur, celle qu’ils ou elles doivent aux générations présentes et futures ».

Alors que le nombre de méthaniseurs agricoles ne cesse de se développer, certains craignent la multiplication d’accidents similaires à celui survenu le 17 août 2020 à Châteaulin (Finistère). André Sergent, président des chambres d’agriculture de Bretagne, leur répond.

La méthanisation, l'usine à gaz qui séduit les gros agriculteurs

Non loin de la pointe du Millier, sur la rive sud de la baie de Douarnenez (Finistère), s’étend l’exploitation des Sergent. Une ferme du futur, disent certains, parce qu’elle produit à la fois de la nourriture (du lait, des cochons, des cultures) et de l’électricité à partir d’une unité de méthanisation par cogénération (220 kWe). Mais pour d’autres, consternés par le déversement accidentel, la semaine dernière, de 400 mètres cubes de digestat de l’unité collective de méthanisation Engie Bioz (Châteaulin), dans l’Aulne, qui a privé 180 000 Bretons d’eau potable, la production d’énergie à la ferme doit être mieux encadrée.

Une technologie majoritaire

Démarrée au début des années 2010 en France, la production de méthane issu de la fermentation de la biomasse (méthanisation) transformée en électricité par cogénération s’est progressivement accélérée pour atteindre 704 unités (selon les chiffres du ministère de l’Agriculture) situées principalement dans le Grand Est, la Bretagne (130) et les Pays de la Loire. 10 % de ces unités fonctionnent en injection directe du méthane après purification et compression sur le réseau de GRDF, une technologie majoritaire dans les dossiers aujourd’hui. Toutes ont fait l’objet de la délivrance d’une autorisation d’exploiter de la part des services de l’État.

Systèmes de sécurité

Pour éviter que les incidents ne se multiplient au gré du développement de ces unités de production d’énergie décarbonée, qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre de la France, André Sergent, président de la chambre régionale d’agriculture de Bretagne appelle à la vigilance.  Il faut, dit-il, installer des systèmes de sécurité : une lagune pour recevoir les eaux de pluie ou d’éventuelles fuites de digestat, et un talus haut en bordure du point d’eau le plus proche pour réduire le risque de pollution.  En tant que représentant des professionnels, l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France met actuellement en place une charte des bonnes pratiques certifiées par un organisme extérieur. Les Sergent sont directement concernés par la sécurité des installations.

Un audit réclamé

Leur unité de méthanisation (Cap Métha) a été à l’origine, il y a deux ans, de la pollution du cours d’eau qui borde leur exploitation.  Le dysfonctionnement d’une vanne avait causé une fuite de 15 m³ de digestat  , explique André Sergent. Cap Métha a d’ailleurs été condamné en justice. Cet incident ne l’empêche pas d’investir dans l’accroissement de son installation à 500 kWe. Cependant, les inquiétudes demeurent. La Confédération Paysanne du Finistère réclame un audit sur les unités en service et un moratoire sur les futures installations. Jean Hascoët, délégué de l’association Eaux et Rivières de Bretagne, appelle à  un point d’étape sur cette filière qui détourne des cultures alimentaires à des fins énergétiques et accélère l’industrialisation des campagnes » .

Laisser un commentaire