l’Agricarbur, un gaz 100 % renouvelable.




Méthanisation : les fermes peuvent-elles produire notre énergie ?

La méthanisation permet d’utiliser du fumier pour faire du biogaz. La pratique peine à s’imposer chez les agriculteurs français.

Notre indépendance énergétique pourrait-elle résider dans les déchets agricoles ? Avec du retard par rapport à l’Allemagne, la France commence à se tourner vers le biogaz. Près de Poitiers (Vienne), un agriculteur cultive 300 hectares et élève 5 500 cochons par an. Désormais, il n’utilise plus le lisier pour ses champs, il le mélange à ses résidus agricoles et à des déchets alimentaires issus des collectivités voisines. Toutes ces matières sont introduites dans une immense cuve. Chauffées, privées d’oxygène et associées à des bactéries, elles vont se dégrader. Cette méthanisationfournit du chauffage, de l’électricité et des engrais.

De 1 % à 10 % de gaz d’origine renouvelable d’ici 2030

Cette installation a coûté 2,7 millions d’euros, en partie financée avec l’électricité revendue. Après dix ans de démarches administratives et 18 mois de fonctionnement, l’agriculteur est satisfait. Aujourd’hui, la France compte près de 500 unités de biogaz, contre 10 000 en Allemagne. La France s’est fixée un objectif, passer de 1 % à 10 % de gaz d’origine renouvelable à l’horizon 2030, et 100 % en 2050.

Cette station-service vend du biométhane produit avec du fumier

Des agriculteurs d’une petite ville de Vendée produisent et vendent un carburant 100 % renouvelable, issu de la méthanisation du fumier de leur élevage. À la station-service, particuliers et entreprises viennent faire le plein d’Agricarbur.

Par Albane Guichard I Publié le 18 Juin 2019

À Mortagne-sur-Sèvre se trouve une station service pas comme les autres. À la pompe, elle distribue de l'Agricarbur, un gaz 100 % renouvelable. (Crédit : Albane Guichard / We Demain)

À Mortagne-sur-Sèvre se trouve une station service pas comme les autres. À la pompe, elle distribue de l’Agricarbur, un gaz 100 % renouvelable. (Crédit : Albane Guichard / We Demain)Dans la petite commune de Mortagne-sur-Sevre, en Vendée, un camion fait son plein. À quelques centaines de mètres de là, des vaches broutent tranquillement. Ces deux informations ne semblent pas liées, et pourtant, sans les vaches, le camion ne pourrait pas rouler. 

Le petite station-service distribue du biométhane, un gaz issu de la méthanisation des effluents (fumier et lisier) d’élevage, produit localement par dix agriculteurs. 

Surnommé « Agricarbur » à Mortagne-sur-Sèvre, ce gaz vert est surtout connu sous le nom de BioGNV. Il a l’avantage d’être moins cher et surtout plus propre que les autres carburants. 

Depuis avril 2014 déjà, les dix agriculteurs injectent leur biométhane dans le réseau de la ville. Forts de leur succès, ils ont poussé le projet jusqu’à compresser le biométhane pour le distribuer à la pompe, dans une station-service créée sur mesure en septembre 2017.

DU FUMIER AU CARBURANT

C'est dans ces deux grandes cuves - le digesteur et le post-digesteur - que les effluents d'élevage sont méthanisés pour donner du biométhane (Crédit : Albane Guichard / We Demain)

C’est dans ces deux grandes cuves – le digesteur et le post-digesteur – que les effluents d’élevage sont méthanisés pour donner du biométhane (Crédit : Albane Guichard / We Demain)Tout est réalisé localement, de la méthanisation à la redistribution, en circuit court. La production se fait en trois étapes. 

Le fumier et le lisier des quelque 300 vaches et 200 truies sont récupérés et placés dans une grande cuve, appelée digesteur. Pour valoriser localement les déchets, les sous-produits agroalimentaires d’entreprises partenaires sont également rajoutés, ainsi que 10 % de graisses issues de la restauration. Le tout est chauffé à 39°C pendant 30 jours. 

Le mélange est ensuite transféré dans une deuxième cuve, le post-digesteur, qui sépare le résultat de la méthanisation : le digestat solide servira de compost, le digestat liquide remplacera l’engrais des cultures agricoles et un gaz riche en CO2 alimentera la chaudière de l’usine.  

Le gaz vert riche en CH4 – le biométhane – est quand à lui épuré pour ensuite être en partie réinjecté sur le réseau GRDF de la ville. Le reste est compressé pour être distribué à la station-service sous forme de bioGNV. 

ÉCOLOGIQUE, ET PLUS ÉCONOMIQUE

Comparé au diesel, le BioGNV émet 80 % de CO2 et 98 % de particules fines en moins. Plus propre, il est également moins bruyant – (il cause 50 % de bruit en moins que le diesel), et moins cher. 

À Mortagne-sur-Sèvre, ce gaz 100 % renouvelable est vendu au prix symbolique de 0,999 euros le kilo (1 kilo de bioGNV représentant 1 litre de gazole ou d’essence), quand le gazole est lui affiché à 1,4125 le litre (prix au 17 juin, source AFP). Un prix qui ne devrait pas augmenter : 

« On est en dessous de 1 euro, c’est impactant, ça permet de créer une demande. Chaque fois que le gazole augmente, des gens nous appellent pour savoir où ils peuvent acheter des véhicules au gaz ! Si on augmente notre prix, on tue notre activité », explique Damien Roy, l’agriculteur à la tête du projet. 

À l’achat, il faut tout de même compter 500 euros de plus que pour une voiture essence ou gazole. Niveau autonomie, le biométhane permet de tenir entre 400 et 500 kilomètres pour un poids lourd (contre 800 kilomètres en diesel), et près de 500 kilomètres pour un véhicule léger.

LE GAZ VERT GAGNE DU TERRAIN

La station service peut accueillir deux poids lourds et un véhicule léger simultanément (Albane Guichard / We Demain)

La station service peut accueillir deux poids lourds et un véhicule léger simultanément (Albane Guichard / We Demain)À son ouverture en septembre 2017, la station biométhane de Mortagne-sur-Sèvre était l’une des seules du pays. Les agriculteurs de quatre exploitations avaient opté pour la méthanisation afin de pouvoir conserver leurs terrains, face à l’augmentation du nombre d’industries dans la zone. 

Cinq ans après, ils ne regrettent pas leur choix. Damien Roy reconnait même gagner désormais plus d’argent avec le biométhane qu’avec le lait de ses vaches. « C’est une valeur ajoutée écologique et économique pour le monde agricole et pour les riverains », se réjouit l’agriculteur devenu entrepreneur. 

Aujourd’hui, 58 stations services distribuent du biométhane en France, selon gaz-mobilité.fr. De plus en plus de particuliers et d’entreprises se laissent séduire par ce carburant vert.

DES ENTREPRISES DÉJÀ CONVAINCUES

C’est le cas de l’entreprise La Boulangère qui s’est engagée auprès des agriculteurs de Mortagne-sur-Sèvre : en plus d’envoyer ses boues d’usine à l’unité de méthanisation, deux de ses camions roulent au bioGNV et font tous les jours leur plein à la station-service Agricarbur. 

Le service d’ambulance Jussieu secours Cholet a lui aussi investi dans deux véhicules au gaz, et devrait prochainement en acheter plus.

Tous les matins, le camion de l'usine La Boulangère vient faire son plein d'Agricarbur. (Crédit : Albane Guichard / We Demain)

Tous les matins, le camion de l’usine La Boulangère vient faire son plein d’Agricarbur. (Crédit : Albane Guichard / We Demain)

VERS UN BUSINESS DU BIOGNV ?

L’unité de méthanisation n’est pas encore rentable, mais elle s’en approche depuis la création de la station service. L’Agricarbur rapporte plus aux agriculteurs que l’injection de biométhane dans le réseau de la ville. « On produit la même quantité de gaz en janvier qu’en août. Et en face, on a un réseau qui consomme du gaz de façon très aléatoire. Mais les gens roulent autant l’hiver que l’été, la station service nous sécurise », explique Damien Roy.  

Si le bioGNV est une alternative écologique aux carburants traditionnels, un bémol persiste : sa production dépend des effluents d’élevage. Et pour pouvoir récupérer facilement leur fumier, vaches et truies doivent être parquées… à l’intérieur.

Damien Roy, un des dix agriculteurs à l'origine de l'unité de méthanisation, roule lui même au bioGNV (Crédit : Albane Guichard / We Demain)

Damien Roy, un des dix agriculteurs à l’origine de l’unité de méthanisation, roule lui même au bioGNV (Crédit : Albane Guichard / We Demain)

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