Une seule centrale à charbon allemande émet-elle vraiment « plus de CO2 que tout l’aérien français » ?
POLLUTION – Le recours temporaire au charbon par nos voisins allemands est souvent critiqué. S’il est vrai que les émissions de CO2 qu’il induit dépasse celles du secteur aérien en France, il convient de manier ces comparaisons avec une certaine prudence.
06 oct. 2020 18:12 – Thomas Deszpot
Malgré des objectifs très ambitieux en matière de transition énergétique – 80% d’énergies renouvelables (EnR) dans leur production d’électricité globale –, les Allemands sont régulièrement pointés du doigt. Il leur est reproché d’avoir recours à des centrales à charbon particulièrement polluantes afin de compenser l’arrêt de leurs centrales nucléaires, dans l’attente que les éoliennes et autres centrales solaires prennent à l’avenir le relais.
Des centrales très émettrices
Pour vérifier ces informations, la première étape consiste à se pencher sur les émissions de CO2 imputables au secteur aérien français. Des données compilées par le ministère de la Transition écologique, qui en fait état dans une note dévoilée en janvier. On apprend ainsi qu’en « 2018, les émissions de CO2 pour le transport aérien en France se sont élevées à 22,7 Mt (millions de tonnes), dont 17,9 Mt (79,1%) pour le transport aérien international (estimation Tarmaac) et 4,8 Mt (20,9%) pour le transport intérieur (y compris Outre-mer) ».
Qu’en est-il, dès lors, des centrales à charbon allemandes ? Avant toute chose, il est nécessaire de noter que l’on n’en dénombre pas 80, mais 46 sur le territoire. Certaines centrales rassemblent sur un même site plusieurs unités de production, jusqu’à 7 pour la plus importante, ce qui signifie que l’on dénombre 78 unités fonctionnelles à travers le pays. Avec des puissances (et donc des émissions) variables.
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Des comparaisons à prendre avec précaution
Si ces comparaisons peuvent s’avérer surprenantes, il est nécessaire de prendre un peu de hauteur pour mieux les analyser. Si l’on s’intéresse aux émissions du secteur aérien en France, il faut par exemple souligner que celles-ci ne représentent qu’une très faible part de celles imputables aux transports en général. Libération rappelait ainsi qu’en 2015, 95% du CO2 émis dans les transports était imputable aux voitures et camions.
Opérateur d’Etat pour le compte du Ministère de la Transition Écologique et Solidaire, le Citepa soulignaitdans son rapport 2019 que le transport aérien était en France responsable d’un peu plus de 1% des émissions de CO2, quand les transports en général comptaient pour plus d’un tiers des émissions de CO2 dans l’Hexagone. Des données intéressantes, mais qui portent ici sur le seul dioxyde de carbone. Il serait nécessaire de se pencher sur d’autres gaz afin d’évaluer de manière plus détaillée et complète la pollution entraînée par l’aérien.
Enfin, il apparaît utile en marge de ces comparaisons entre la France et l’Allemagne de se pencher sur un indicateur complémentaire : celui des émissions de CO2 par kilowattheure produit. Il met en lumière les émissions considérables de l’Allemagne aujourd’hui (419 gCO2/kWh) par rapport à la France (67 gCO2/kWh), selon les données fournies pour l’année 2017 par l’Agence européenne pour l’environnement. Les émissions allemandes, bien qu’à la baisse, restent assez largement supérieures à la moyenne européenne, qui est de 294 gCO2/kWh.
En conclusion, il est donc exact d’indiquer que la plus grosse centrale à charbon allemande pollue davantage que le secteur aérien français dans son ensemble. Une comparaison qui nécessite néanmoins d’être replacée dans le contexte de la production de C02, où l’aérien n’occupe en France qu’une place mineure en comparaison par exemple avec le transport routier.