TOUT COMPRENDRE – FAUT-IL CRAINDRE DES COUPURES D’ÉLECTRICITÉ CET HIVER?
Thomas LeroyLe 29/11/2020 à 13:53
Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité RTE s’attend à un hiver compliqué alors que la consommation d’électricité en France augmente tous les ans.
Vers un black-out hivernal ? Depuis plusieurs mois, EDF et RTE mettent en garde contre la possibilité de tension sur les lignes électriquescet hiver, entre la forte consommation attendue et une production compliquée. Faut-il vraiment avoir peur ?
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> Quels sont les risques de coupures de courant ?
RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité en France prévient depuis plusieurs mois: l’hiver prochain – et principalement le mois de février – s‘annonce « difficile » pour le réseau. La première quinzaine de février correspond généralement au pic de froid en France, c’est donc à ce moment-là que la demande sera la plus importante.
« Mais cela dépendra en réalité de deux facteurs », explique Pierre-Louis Brenac, directeur Energie chez Sia Partners. « Il faudrait d’abord une vague de froid intense sur toute la France, » à savoir des températures négatives dans l’Hexagone qui pousseraient les chauffages à plein régime. Deuxième critère, des énergies renouvelables très peu disponibles: concrètement, un manque de vent sur le parc éolien – qui ne représente que 2% de la production – suffirait à pénaliser la production totale dans un contexte de forte demande. Dans ce double contexte, RTE et EDF anticipent des coupures éventuelles car « un degré en moins, cela correspond à une hausse de la consommation 2400 mégawatts soit l’équivalent de la production de deux centrales nucléaires » poursuit Pierre-Louis Brenac. Et tous les systèmes tourneront à déjà plein régime, y compris les dernières centrales à charbon.
> Quelles formes prendront ces éventuelles coupures ?
Première indication: aucun service essentiel au pays (hôpitaux, SNCF, gestion de l’eau etc.) ne seront concernés par des coupures. En réalité, RTE et EDF anticipent les tensions et les planifient à l’avance. « Les premiers concernés sont les industriels » indique Pierre-Louis Brenac. Certaines entreprises se sont déjà portées volontaires : en cas de coupures, elles toucheront une compensation financière. Mais, dans un second temps, tous les autres groupes industriels peuvent être concernés, si nécessaire, par des coupes temporaires.
Enfin, en ultime recours, les particuliers peuvent être concernés par des coupures. « C’est un scénario extrême » prévient Pierre-Louis Brenac. Dans ce cas, l’électricité de certains quartiers de villes pourrait effectivement être interrompue, par intermittence et pour des tranches de deux heures par exemple.
L’enjeu de ces procédures graduelles est justement d’éviter les black-out, c’est-à-dire, des surtensions sur les câbles, qui provoquent des coupes automatiques.géantes.
> Y aura-t-il des régions particulièrement concernées ?
Sauf accident, les principales agglomérations, et notamment la région parisienne, ne seront pas touchées car elles bénéficient d’une très bonne alimentation. Au contraire, il existe des « péninsules électriques », à commencer par la Bretagne. Non seulement la région ne possède pas de centrale nucléaire, mais elle ne bénéficie pas non plus d’un très bon maillage.
> Comment explique-t-on les tensions sur le réseau ?
Historiquement, la France a choisi de faire la part belle au nucléaire et donc à l’électricité. « Par rapport aux autres pays européens, la France compte beaucoup de chauffages électriques », indique Pierre-Louis Brenac. A cela, il faut ajouter une consommation toujours plus importante, année après année. Du côté des particuliers, la multiplication des objets connectés augmente la consommation tandis que les industries ont lancé des grands mouvements de décarbonation pour privilégier l’électricité aux énergies fossiles.
A cette tendance, il faut ajouter deux facteurs. Le premier est la nécessité d’entretenir les centrales nucléaires. Ainsi, au moins quatre centrales seront indisponibles cet hiver pour des maintenances indispensables, mais aussi pour les rechargements en combustible. Le deuxième facteur, c’est la crise du Covid-19, qui a justement interrompu temporairement les maintenances et désorganisé en partie le planning déà serré. A cela, il faut encore ajouter les incidents, peu graves mais fréquents, qui obligent à interrompre la production.
> La fermeture de la centrale de Fessenheim a-t-elle un lien avec des éventuelles coupures ?
Forcément, en situation de tension sur le réseau, l’apport d’une centrale supplémentaire aurait donné plus de marges à RTE. « Mais cela ne signifie pas que son arrêt va entrainer des coupes. D’autant qu’on a eu le temps de s’organiser pour cela » corrige Pierre-Louis Brenac. La fourniture a déjà été en grande partie compensée.