Et si l’énergie infinie, propre et gratuite, venait du rayonnement infrarouge?
Les rayons infrarouges, qui traversent la Terre de part en part, peuvent être convertis en énergie grâce à un nouveau procédé basé sur « l’effet tunnel quantique ».
Des chercheurs saoudiens viennent de découvrir un moyen de récupérer la chaleur du rayonnement infrarouge et de la transformer en énergie propre et renouvelable. Dans leur étude publiée dans Materials Today Energy, ils expliquent avoir réussi cet exploit grâce à de minuscules antennes fonctionnant grâce à « l’effet tunnel », un phénomène issu de la mécanique quantique.
Pour bien comprendre l’importance de leur découverte, il faut d’abord rappeler quelques faits. La majorité de la lumière du Soleil qui atteint la surface de la Terre est absorbée par les sols, les océans et l’atmosphère, ce qui réchauffe la Terre. Ce réchauffement provoque des émissions permanentes de radiations infrarouges. Selon les estimations des spécialistes, ces radiations produiraient des millions de gigawatts. À titre de comparaison, la centrale nucléaire de Gravelines, la plus puissante de France, produit 5460 mégawatts.
« Des panneaux solaires 24h sur 24 »
Le but des scientifiques de l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (KAUST), en Arabie saoudite, était de détecter ces radiations et les « capturer » pour les convertir en électricité. L’intérêt? « Contrairement à l’énergie des panneaux solaires, qui sont limités par la lumière du jour et les conditions climatiques, l’énergie de la chaleur infrarouge peut être récoltée 24h sur 24 », souligne Atif Shamin, principal auteur de l’étude, sur le site de l’université saoudienne.« Être capable de récolter cette énergie pourrait totalement bouleverser le secteur des énergies renouvelables », ajoutent les chercheurs dans leur étude.
Ce qui tombe bien, puisqu’ils ont justement trouvé une solution. « L’un des moyens d’y parvenir est de traiter la chaleur infrarouge comme des ondes électromagnétiques à haute fréquence. En utilisant des antennes appropriées, les ondes captées sont envoyées vers une diode semi-conductrice, qui transforme le signal alternatif [de l’onde] en courant permettant de recharger une batterie ou n’importe quel équipement électrique », détaille Atif Shamin.
Des antennes nanoscopiques
Evidemment, toute la difficulté du projet résidait dans la conception de ces fameuses « antennes redresseuses » [des antennes capables de convertir l’énergie radiofréquence en courant continu]. « Les émissions infrarouges ont de si petites longueurs d’ondes qu’il faut des antennes micro, ou plutôt nanoscopiques [d’un milliardième de mètre] », continue le chercheur. En clair? Capter ces ondes nécessite des antennes totalement invisibles à l’oeil nu, bien plus petites qu’un millimètre.
Jusqu’à maintenant, il n’existait aucun dispositif au monde capable de transformer ces ondes en électricité, soulignent encore les chercheurs. Et c’est pourquoi ils se sont tournés vers un dispositif utilisant l’effet tunnel, un phénomène très fréquent en mécanique quantique.
L’exemple le plus simple permettant de le comprendre est celui d’une balle devant monter une colline. En physique classique, si la balle n’a pas été propulsée avec suffisamment d’énergie, elle ne monte pas. Mais en physique quantique, la balle peut passer sous la colline, même avec une énergie limitée, et ce, grâce au principe d’incertitude, qui s’applique au monde de l’infiniment petit.
En exploitant ce phénomène, les chercheurs ont construit, dans leur laboratoire dédié, une nano-diode capable de transformer les ondes infrarouges en énergie faisant passer les électrons à travers une petite barrière. Ne leur restait plus qu’à créer des antennes capables de créer un champ magnétique suffisamment puissant pour « pousser » les électrons à travers une barrière, qu’on peut comparer à la « colline » dans l’exemple précédent.
« Une preuve que le concept fonctionne »
« La partie la plus difficile a été de se faire chevaucher, à l’échelle nanométrique, les deux bras de notre antenne [qui maintenaient la barrière au centre du dispositif], explique Gaurav Jayaswal, un autre chercheur de l’Université KAUST. Mais nous avons réussi. »
Résultat, les chercheurs ont pu transformer les radiations infrarouges en énergie. Evidemment, leur prototype ne peut pas encore alimenter le monde en électricité, ni l’Arabie Saoudite, ni même un téléphone portable. « Nous en sommes au tout début, ce n’est qu’une preuve que le concept fonctionne », reconnait Atif Shamim. Mais, en produisant des millions de leurs mini-capteurs d’ondes, « alors nous pourrions améliorer la production d’électricité mondiale », espère-t-il. Un pas de plus vers l’indépendance aux énergies fossiles.