Le scandale des hybrides rechargeables PHEV
Par Eddy Taulx – 16 juin 2020113PARTAGERFacebookTwitter
Depuis le nouveau « coup de pouce » de l’Etat Français aux hybrides rechargeables, les PHEV, ce genre de véhicule bénéficie désormais de trop de niches fiscales et de complaisance.
Un véhicule hybride rechargeable ou PHEV pour « plug-in hybrid electric vehicle » c’est quoi ? C’est un véhicule avec un moteur thermique, essence ou diesel, aidé pour mouvoir le véhicule par un moteur électrique. Ce moteur électrique est alimenté par une batterie, généralement lithium-ion. Et dans un PHEV, contrairement à un « mild hybride » MHEV, ou hybride léger, on peut recharger cette batterie.
Jusque ici, rien de scandaleux. Les PHEV ont une batterie, d’une capacité entre 15 et 20 kWh, qui permet de parcourir de 40 à 60 km en 100% électrique, en ville. En soit là non plus, rien de scandaleux, à première vue.
Des émissions officielles à 20 ou 30 g/km
Là où le scandale fiscal commence, c’est avec la procédure d’essai mondiale harmonisée pour les voitures particulières et véhicules utilitaires légers (aka WLTP). En effet, le parcours, qui se veut plus représentatif d’une conduite réelle, a un énorme « trou » dans lequel les constructeurs de PHEV s’engouffrent. Avec la batterie et les kilomètres en 100% électrique, ces véhicules affichent fièrement, et le plus légalement du monde hélas, des émissions de 20 à 30 grammes de CO2/km !
C’est évidemment totalement erroné puisque ce n’est valable que sur les premières dizaines de kilomètres parcourus, à condition d’avoir chargé la batterie avant de partir. Une fois la batterie déchargée, un PHEV se comporte comme un véhicule thermique, comme un très lourd véhicule thermique. En effet, les 15 kWh de batterie ajoutent de 120 à 150 kg de batterie, sans compter le moteur électrique et la gestion électronique. C’est comme avoir en permanence 200 kg de bagages dans le véhicule. Le véhicule consomme en fait bien plus que son homologue thermique, mais l’administration fait comme s’il était très vertueux.
Des émissions masquées
En outre, on pourra ajouter que la batterie li-ion ajoute une pollution à la production de la voiture par rapport à une « simple thermique ». Et que les constructeurs mettent de « gros » moteurs thermiques pour accompagner ces PHEV. Ils n’ont rien de vertueux.
A 250 ou 300 Wh/km, un PHEV a une consommation électrique énorme par rapport à un véhicule électrique classique. L’Europe produit une électricité qui génère en moyenne 350 g de CO2eq/kWh. Les 15 kWh de batterie vont donc représenter 5,25 kg de CO2 et ils s’évanouissent environ en 50 km soit 105 g de CO2/km qui disparaissent de l’équation. Magie !
Désormais, l’administration généreuse ajoute également 2000 euros de « bonus écologique » pour l’achat d’un PHEV. A l’absence, inepte, de malus pour surconsommation on ajoute donc un coup de pouce de 2000 €. Ces véhicules sont plus chers que leurs homologues thermiques et ces aides vont surtout cibler des foyers fiscaux fortunés qui peuvent se payer un véhicule neuf à 50 000 €. Ce cadeau fiscal va directement dans la poche des constructeurs automobiles.
Quel véhicule PHEV peut bénéficier du bonus de 2000 € ?
Le véhicule doit remplir les conditions suivantes :
- Être un véhicule neuf
- Être acheté ou loué pour une durée d’au moins 2 ans
- Taux de CO2 compris entre 21 et 50 g/km
- Être immatriculé en France dans une série définitive
- Prix ⩽50 000 €
- Autonomie supérieure à 50 km
- Ne pas être vendu dans les 6 mois suivant son achat, ni avant d’avoir parcouru au moins 6 000 km
Intéressants pour les entreprises
Mais, il n’y a pas que ce « bonus » et le WLTP « faussé » pour les PHEV. Il y a également des incitations fiscales pour les entreprises. En effet, les véhicules hybrides électrique-essence qui émettent officiellement moins de 60 g de CO2/km sont totalement exonérés de Taxe sur les Véhicules de Société (TVS).
Côté TVA, les PHEV qui dépassent les 40 km WLTP en électrique peuvent prétendre à une récupération à 100% de la TVA sur l’électricité ! Pour l’essence, la récupération est de 60% comme pour n’importe quel véhicule thermique. Les entreprises elles aussi se ruent sur les PHEV pour leurs voitures. Ce n’est pas pour rien que les constructeurs s’engouffrent dans ce segment. Il sera générateur pour eux de grosses marges dans les prochaines années.
Le paradoxe écologique ultime ? Ces PHEV sont surtout installés sur des SUV, carrosserie que l’on fustige pour leur côté lourds, pas aérodynamiques, polluants. Mais avec la magie d’une motorisation PHEV, des véhicules comme le Porsche Cayenne Turbo S E-Hybrid Coupé de 680 chevaux est homologué à 122-111 g de CO2/km et échappe au malus. Pour comparaison, un Cayenne Turbo c’est plus de 300 g/km ! Le Cayenne Turbo S E-Hybrid Coupé c’est 2,5 tonnes à vide…
A près de 180 000 €, il n’est pas éligible au bonus de 2000 euros. Ouf !
Le PHEV est-il le nouveau Diesel ?
L’administration Française a longtemps – et encore maintenant – privilégié le gazole. Il ne faudrait pas refaire les mêmes erreurs stratégiques et surtout écologique pour se réveiller dans 5, 10, 15 ans avec un nouveau scandale sanitaire d’une motorisation avantagée.
Surtout que des études montrent que les possesseurs de PHEV ne les rechargent pas forcément (voire pratiquement jamais). Or un PHEV déchargé est un thermique très lourd. Cela consomme et fait exploser les émissions polluantes, tant à l’échappement que la pollution aux particules d’abrasion et de frein.
Mais, les PHEV sont aussi très intéressants pour les constructeurs pour faire baisser leur moyenne d’émission de CO2 de leur gamme et ainsi éviter les sanctions prévues par l’Europe. La loi CAFE (Corporate Average Fuel Economy) prévoit que tous les constructeurs passent en moyenne sous les 95 g/km dès 2021 (cela prend en compte les ventes de véhicules particuliers 2020). Avec un véhicule affichant 30 g/km la moyenne va drastiquement, mais artificiellement, baisser. Un scandale de plus.