Des milliers de cours d’eau sont rayés de la carte de France, et s’ouvrent aux pesticides
20 février 2018 / Lorène Lavocat (Reporterre)
En l’absence d’un cadre juridique clair, de nombreux cours d’eau sont déclassés sous l’influence de la FNSEA, qui cherche à contourner la loi sur l’eau. Des milliers de ruisseaux sont ainsi en train d’être purement et simplement rayés de la carte de France.
- 2e volet de notre enquête sur la cartographie des cours d’eau. Lire le 1e volet : Course contre la montre pour sauver les cours d’eau.
L’eau potable, une denrée bientôt rare. À l’automne dernier, l’UFC Que choisir se faisait le héraut de nos rivières : « Les pesticides sont désormais massivement présents et dépassent la norme définie pour l’eau potable, dans la moitié des cours d’eau et dans le tiers des nappes phréatiques. » Résultat : près de deux millions de Français ont été exposés à une eau polluée. « L’accès à une eau de qualité pour la majorité des Français se fait au prix de coûteuses dépollutions », conclut l’association.
Une situation « alarmante », qui pourrait encore se dégrader : loin des radars médiatiques, des milliers de cours d’eau sont en train d’être purement et simplement rayés de la carte de France. Sous la pression de la profession agricole, ruisseaux, rus et ruisselets perdent tour à tour leur dénomination de cours d’eau pour devenir fossé, canal ou ravine. Or, sans ce statut protecteur, ces innombrables petits bras aquatiques se retrouvent hors des normes limitant les épandages phytosanitaires, les travaux de calibrage, les constructions et autres barrages hydrauliques.
Cette nouvelle carte qui se dessine dans le secret des préfectures résulte d’une âpre négociation, que Reporterre analysait l’an dernier : nous ne lâchons pas l’affaire, qui continue ! Elle voit s’opposer la FNSEA — Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles —, les associations environnementales et les services préfectoraux. Les frictions ont viré à la bataille juridique dans plusieurs départements.
« Cela dépend énormément des régions, mais on constate une baisse du linéaire classé en cours d’eau, confirme Benjamin Hogommat, juriste à France nature environnement – Pays de la Loire. Dans le Maine-et-Loire, 1.500 écoulements sur les 9.000 qui figuraient sur la carte de l’Institut géographique national ont disparu. Dans le Marais poitevin, il y a une perte énorme. En Tarn-et-Garonne, près de 30 % des cours d’eau ont été déclassés. En Indre-et-Loire, 43 % des zones précédemment protégées ne le sont plus. » S’il est aujourd’hui impossible d’évaluer précisément le linéaire déclassé — notamment parce que le travail est encore en cours dans nombre de régions —, France nature environnement a relevé une diminution de la protection de l’environnement dans une quarantaine de départements.
- Cartographie en cours dans les Deux-Sèvres. Les zones en rose correspondent à des écoulements pour le moment « indéterminés », donc potentiellement déclassés.
« On ne peut pas nous demander de respecter la loi sur l’eau sans définition claire sur laquelle nous fonder »<
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Publiée par Moteur Eau sur Jeudi 6 décembre 2018